CJCE, 9 mars 1999, Centros, aff. C-212/97 (pts 19 et 20)- La liberté d'établissement reconnue par l'article 52 du traité aux ressortissants communautaires comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de les exercer ainsi que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants.
- En outre, l'article 58 du traité assimile aux personnes physiques, ressortissantes des États membres, les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté.
Il s'ensuit directement que ces sociétés ont le droit d'exercer leur activité dans un autre État membre par l'intermédiaire d'une agence, succursale ou filiale, la localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre CJCE, The Queen and The Secretary of State for Transport, ex parte Factortame Limited and Others, C-221/89, par. 20La Cour de justice soumet son exercice à quatre conditions cumulatives : (1) l' exercice effectif d' une activité économique (2)au moyen d' une installation stable (3)dans un autre État membre (4)pour une durée indéterminée.- Au sujet de la première condition, la cour a explicité, dans sa jurisprudence ultérieure, que seul l’établissement secondaire devait effectivement exercer une activité économique dans l’Etat d’accueil (CJCE, (Cadbury Schweppes), par. 53)
- par contre, dans l’état de départ, cette condition n’affecte pas la société émigrante, qui, aux fins d’exercer son droit d’établissement secondaire, ne doit pas exercer d’activité économique particulière (Centros)
EXCEPTIONNe jouissent pas de la liberté d’établissement les personnes morales qui n’ont pas de but lucratif
| TRANSFERT DE SIEGE REEL | TRANSFERT DE SIEGE STATUTAIRE |
… Vers De | Etat d’incorporation
(avec établissement secondaire dans ce dernier) | Etat de siège réel
(avec établissement secondaire dans ce dernier)
| Etat d’incorporation | Etat de siège réel |
Etat d’incorporation | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie |
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- Le droit britannique des sociétés, attaché à la théorie de l’incorporation, autorise une société incorporée au Royaume-Uni à transférer sans condition son siège réel à l’étranger sans perte consécutive de sa qualité de société de droit britannique,
- La législation fiscale, dont le déclenchement est lié à la présence de la résidence fiscale sur le territoire du Royaume-Uni, impose une exigence complémentaire : le déplacement transfrontalier du siège effectif de direction est soumis à une autorisation du Trésor
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Vu l’absence de conflit de systèmes, la loi applicable à la société est assurément la loi de l’Etat d’incorporation. |
Les articles 52 et 58 du Traité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne confèrent aucun droit, en l’état actuel du droit communautaire, à une société constituée en conformité avec la législation d’un Etat membre et y ayant son siège statutaire, de transférer son siège de direction dans un autre Etat membre |
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Une société néerlandaise transfert son siège de direction vers le Royaume-Uni et se heurte au régime fiscal néerlandais de perception immédiate de plus-values latentes |
- L’article 49 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement – sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement – au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre; il est indifférent à cet égard que les plus-values latentes imposées se rapportent à des gains de change qui ne peuvent être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur;– il s’oppose à une réglementation d’un État membre, qui impose le recouvrement immédiat de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes aux éléments de patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre, au moment même dudit transfert. |
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Les trustees transfèrent leur résidence du Royaume-Uni vers Chypre: selon le droit fiscal britannique, le transfert du siège d’administration ou de gestion n’affecte pas la subsistance de l’entité indivisible mais donne lieu à la perception immédiate d’une plus-value latente. |
Les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement s’opposent, dans des circonstances, telles que celles en cause au principal, où les trustees, selon le droit national, sont traités comme un ensemble de personnes unique et continu, distinct des personnes qui peuvent être les trustees au fil du temps, à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit l’imposition des plus-values latentes afférentes aux biens détenus en trust lorsque la majorité des trustees transfèrent leur résidence dans un autre État membre, sans permettre le recouvrement différé de l’impôt ainsi dû. |
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Entraves à l'entrée | Entraves à l'entrée | Entraves à l'entrée | Entraves à l'entrée |
Arrêts de première génération
Ils intéressent le moment de constitution d’une personne morale , à propos de sociétés constituées dans un Etat membre d’« incorporation » sans y exercer d’activité.
Celles-ci peuvent avoir leur siège réel et/ou créer un établissement secondaire ou exercer leurs activités dans un autre Etat membre tout en étant régies par le droit de l’Etat d’origine, même s’il peut en résulter un choix de facto par les fondateurs de la lex societatis qu’ils jugent la plus favorable |
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Les fondateurs danois de la société Centros décident de l’incorporer au Royaume-Uni et de localiser son siège social au domicile d’un ami ; aspirant à concentrer l’activité de la société – dans le domaine de l’import-export de vin – exclusivement sur le territoire danois, ils créent par la suite une succursale au Danemark mais se heurtent à un refus des autorités locales de procéder à son immatriculation, formalité impérieuse du reste pour la conduite de ses activités |
Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale, qui soumet l'exercice de la liberté d'établissement à titre secondaire dans cet État, par une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, à certaines conditions prévues en droit interne pour la constitution de sociétés, relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs. Les raisons pour lesquelles la société a été constituée dans le premier État membre, ainsi que la circonstance qu'elle exerce ses activités exclusivement ou presque exclusivement dans l'État membre d'établissement, ne la privent pas, sauf à établir au cas par cas l'existence d'un abus, du droit d'invoquer la liberté d'établissement garantie par le traité. |
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La société de droit anglais Inspire Art tenait à exercer ses activités à titre exclusif aux Pays-Bas par le biais d’une succursale. Au contraire de l’espèce précédente, « le droit néerlandais ne refuse pas l’inscription de la société mais se borne à la caractériser comme société étrangère » : en effet, il est fait obligation à toute succursale de société étrangère de pure forme de mentionner ce trait particulier à côté de l’inscription au registre de commerce et d’en faire systématiquement état dans la vie des affaires |
Le fait qu'un État membre ne puisse pas refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège n'exclut pas que ce premier État puisse prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné. |
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- La société Überseering a été incorporée aux Pays-Bas.
- L’article 50 du Code de procédure civil allemand et la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof prévoient qu’aux fins de sa reconnaissance, la capacité juridique d’une société doit être appréciée au regard du droit de l’Etat dans lequel se trouve son siège d’administration principal. Or, dans l’intervalle, la totalité des parts sociales d’Überseering avaient été acquises par deux résidents allemands de Düsseldorf ; les juridictions allemandes ont déduit de ce changement de contrôle un transfert de siège réel vers l’Allemagne. Par conséquent, la capacité juridique de la demanderesse a été appréciée au regard du droit allemand qui, fidèle à la théorie du siège réel, refuse une dissociation des sièges et conditionne l’obtention de la capacité juridique à une reconstitution en Allemagne. |
Le refus, par un État membre, de reconnaître la capacité juridique d'une société constituée conformément au droit d'un autre État membre dans lequel elle a son siège statutaire au motif, notamment, que la société aurait transféré son siège effectif sur son territoire à la suite de l'acquisition de la totalité des parts sociales par des ressortissants de cet État membre qui y résident, avec pour conséquence que la société ne peut, dans l'État membre d'accueil, ester en justice pour défendre ses droits tirés d'un contrat, sauf à se reconstituer selon le droit de cet État, constitue une restriction à la liberté d'établissement incom-patible, en principe, avec les articles 43 CE et 48 CE.
S'il ne saurait être exclu, à cet égard, que des raisons impérieuses d'intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires, des salariés ou encore du fisc puissent, dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions, justifier des restrictions à la liberté d'établissement, pareils objectifs ne peuvent toutefois justifier que soient déniées la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice à une société régulièrement constituée dans un autre État membre où elle a son siège statutaire. |
DOCT: Sous l’angle du droit des conflits de lois, la solution pourrait
- trouver à s’expliquer comme affectant la question de la reconnaissance de la personnalité étrangère et détachable de la détermination de la lex societatis
- aussi être confrontée, mais avec un résultat éventuellement différent, à la méthode des rattachements successifs en cas de transformation énoncée par l’arrêt VALE Epitési |
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Une société italienne avait été dissoute préalablement à un transfert vers la Hongrie aux fins de reconstitution mais la société hongroise demandait à être considérée en droit hongrois comme successeur juridique de la société italienne, alors que le droit hongrois ne le permet que lorsque la société « prédécesseur en droit » n’est pas étrangère. |
- L’arrêt constate que la mesure nationale opère une distinction entre opérations interne et transfrontalière et, à ce titre, n’est ni justifiée au regard du régime du droit d’établissement ni conforme au principe d’équivalence exigeant qu’une opération transfrontalière soit traitée de manière non moins favorable qu’une situation interne similaire
« L’État membre d’accueil est en droit de déterminer le droit interne pertinent à une telle opération et d’appliquer ainsi les dispositions de son droit national relatives aux transformations internes régissant la constitution et le fonctionnement d’une société, telles que les exigences concernant la préparation d’un bilan et d’un inventaire d’actifs. Toutefois, les principes d’équivalence et d’effectivité s’opposent, respectivement, à ce que l’État membre d’accueil
– refuse, pour des transformations transfrontalières, la mention de la société ayant sollicité la transformation en tant que «prédécesseur en droit» si une telle mention de la société prédécesseur au registre des sociétés est prévue pour des transformations internes et
– refuse de tenir dûment compte des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine lors de la procédure d’enregistrement de la société |
DOCT: l’arrêt confirme que l’opération de transformation transfrontalière obéit aux rattachements successifs de la loi d’origine pour déterminer les conditions de sortie et de la loi d’accueil pour les conditions d’entrée. |
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Etat de siège réel | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie | Entraves à la sortie |
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Une société constituée et ayant son siège réel en Hongrie (pays de siège réel) voulait transférer ce siège vers l’Italie (pays pratiquant le critère du lieu de constitution, sauf si la société a son siège réel en Italie): la société voulait rester soumise au droit de son Etat d’origine malgré le transfert, ce que lui refusait l’autorité hongroise. |
- La Cour de justice a validé un tel refus en l’espèce, seulement pour le cas d’un transfert voulu sans transformation (sans changement de loi applicable).- Inversement, un refus de transfert avec transformation, et fondé sur l’exigence d’une liquidation préalable à la transformation, eût été incompatible avec le droit de s’établir dans un autre Etat membre: autrement dit, une société a le droit de transférer son siège réel avec changement de loi applicable sans perte de personnalité – mais sous condition du respect cumulé des lois de sortie et d’entrée. |
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Une société ayant son siège réel en Pologne (pays de siège réel) voulait se transformer par le transfert du seul siège statutaire au Luxembourg (pays de siège réel), en se contentant d’une inscription dans le registre luxembourgeois des entreprises, apparemment sans transférer pour autant son siège réel ni ses activités. L’autorité polonaise exigeait une liquidation préalable. |
Une telle société peut se transformer dans l’Etat d’accueil par transfert du seul siège statutaire, même en l’absence de toute activité dans cet Etat. Cependant, c’est sous la condition de respecter le droit de cet Etat. Et ce renvoi à ce droit inclut « le critère retenu par ce dernier aux fins du rattachement de cette société à son droit national » (pt. 33).
Sachant que le Luxembourg est un Etat de siège réel, il s’avère que le droit luxembourgeois ainsi désigné par ce que l’on peut qualifier une règle de conflit de systèmes, soumet la réincorporation à la localisation du siège réel au Luxembourg
N’est pas constitutif en soi d’abus le fait d’établir le siège, statutaire ou réel, d’une société en conformité avec la législation d’un État membre dans le but de bénéficier d’une législation plus avantageuse.
Ainsi, les articles 49 et 54 TFUE ne s’opposent pas, en principe, à des mesures d’un État membre visant à ce que les intérêts des créanciers, des associés minoritaires ainsi que des travailleurs d’une société, qui a été constituée conformément à son droit et continue à exercer ses activités sur le territoire national, ne soient pas indûment affectés par le transfert du siège statutaire de cette société et sa transformation en une société relevant du droit d’un autre État membre. |
DOCT: si une société constituée dans un pays
- de siège réel veut changer de loi applicable par un libre choix d’un pays d’incorporation ou
- de siège statutaire sans transfert d’aucune activité, l’Etat d’origine ne peut pas exiger de liquidation préalable, hormis la vérification du respect des conditions de la loi d’accueil |
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